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RÉDACTION PRIMITIVE

Vous n’en avez point eu grant paine. » Dont en fu le chevalier tous honteus, et dist en riant : « Monseigneur, se Dieu le m’a envoié, j’en avoie bien mestier ; car je perdy her soir tout mon argent aux dés. » Dont commencèrent pluiseurs à rire, et alèrent entre deux, tant que des mille viés escus fu remis à six cens ; et tantost messire Jehan de Beaumont les presta et paya. Si délivra le seigneur de Faigneulles et son cheval, et le renvoia arière devers le conte de Haynnau, à qui il recorda son aventure et le courtoisie que messire Jehan son oncle lui avoit faite.

CHAPITRE CLXIV.

Or parlerons de ce vendredy au matin, que toutes les deux osts s’aparillièrent moult matin ; et moult en y eut qui oyrent messe moult dévotement, comme ceulx qui cuidoient tantost prendre l’aventure de mort. Et tout premiers Englès se mirent sur les camps, et moult sagement se ordonnèrent, et firent trois batailles. Si se mirent tous à piet, et leurs chevaulx et charoy derrière eulx, en ung bosquet. Et eurent le duc de Guerles, le duc de Jullers, le marquis de Brandebourch, messire Jehan de Haynnau, le marquis de Mise, le seigneur de Franquemont, messire Gille de Duvort, messire Ernoult de Blanquenhem et tous les Alemans la première bataille. La seconde avoit le duc de Brabant qui avoit avec lui le conte des Mons, le conte de Clèves, le conte de Salmes, le sire de Buck, le sire de Berghes, le sire de Gasebecq, le sire de Rousselare, le sire de Botersem, le sire de Voseler, le sire de Witem, le sire de Bourqueehort, le sire de Sconevort, est et pluiseurs autres que je ne puis mie tout nommer. En ceste bataille avoit vingt deux banières et dix sept penons. S’estoient huit mille hommes de bonne estoffe. La tierce bataille et le plus grosse avoit le roy d’Engleterre, et moult de bonnes gens de son pays. Premiers y estoit le conte Derby fil à monseigneur Henry de Lenclastre, l’évesque de Nicolle, ly quens de Norhanton, le conte de Werwich, le conte de Salsebery qui estoit marissaulx de l’ost, le conte de Sulfort, le conte de Herfort, le conte de le Marche, le conte de Pennebrouch, le conte Richart de Stanfort, messire Jehan visconte de Beaumont, le conte de Biaucan, messire Guillaume Fil-Warin, le sire de Ros et de Northombrelant qui fu là fait chevalier et leva banière, le sire de le Ware, le sire de Salmel, le sire de Falenton, messire Regnault de Gobehem, le sire de Strier, le sire de Brasenton, messire Hue de Hastinge, le sire de Multone et moult d’autres. Et là fist le roy pluiseurs chevaliers, entre lesquels le fu messire Jehan Chando, qui fu l’un des bons hommes d’armes des deux royalmes. Et y avoit trente deux banières et aultre tant de pennons. En cele bataille avoit bien dix mille hommes d’armes et six mille archiers. Si ordonnèrent à tenir sur esle, une bataille pour réconforter les plus lassés. Ceste querque eut messire Robert d’Artois ; dalez lui monseigneur Henry de Flandres, Wautier de Maugny, le sire de Bercler, le sire de Neufville, le sire de Clifort, monsire Richart de Pennebrouch, monseigneur Bertreumieu de Bruwes, et pluiseurs autres qui estoient environ trois mille hommes d’armes. Si y avoit douze bannières et deux mille archiers ; et toutes les batailles à piet, en très grant désir de véir leurs anemis.

CHAPITRE CLXV.

Quant ainsi furent ordonnés sur les plains camps, adont ala le roy Englès sur ung cheval, de bataille en bataille, en priant aux seigneurs moult joieusement qu’ils se tenissent pour réconforté et pensaissent de bien faire, car il retenoit sur son âme qu’il se combatoit à bon droit. Et chascuns lui accorda, qui le véoient et ooient volentiers, en lui prometant que ce droit lui aideroient à garder, tant qu’ils poroient durer, parmy l’ayde de Dieu ; et ne se doubtoient point du grant peuple qu’il savoient que le roy de France avoit avec luy. Et quant le roy ot esté ainsi d’oultre en oultre, il s’en revint à sa bataille. Après ce fist commander que nuls n’alast devant les banières. Ainsi furent toute la matinée atendant les François, qui s’ordonnèrent ainsi que s’ensieut.

CHAPITRE CLXVI.

Il est bien vray que le roy de France avoit là si grant plenté et tant de nobles hommes, que ce seroit merveilles du recorder. Car je sceus, par héraulx qui y furent et d’aultres gentils hommes qui les eurent par escript, qu’il y eut deux cens vingt sept banières, quatre rois, cinq ducs,