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DE SIRE JEAN FROISSART.

« Nul ne t’ose férir ne batre.
« Mès quant je ne vois un bon trot,
« Jà n’en parlera à moi mot,
« Ains dou debout de ses talons
« Me frera de ses esporons,
« Si qu’à la fois me fait hanir.
« Si tu avoïes à souffrir
« Ce que j’ai, par saint Honestasse
« Tu diroïes acertes, lasse ! »
Dist le chien : « Tu te dois bien plaindre !
« Ains qu’on puist la chandelle estaindre,
« On te frote, grate et estrille,
« Et te cuevre-on, pour la morille,
« Et si te nettie-on les pié.
« Et s’on voit que tu soies liés
« On t’aplanoïe sus le dos,
« Et dist-on : Or, pren ton repos,
« Grisel, car bien l’as desservi
« L’avainne que tu menges ci.
« Et puis on te fait ta littière
« De blanc estrain ou de fléchière,
« Là où tu te dois reposer.
« Mès j’ai aultre chose à penser ;
« Car on me met derrière un huis,
« Et souvent devant un pertuis,
« Et dist-on : Or garde l’ostel.
« Et se laïens il a vient tel,
« Que bien j’en ai toutes les tapes ;
« Car, s’on envelope ens ès nappes
« Pain, char, bure, frommage ou let,
« Et la meschine ou li vallet
« Le mengüent, par aucun cas,
« Sus moi en est tous li debas :
« Et dist-on : Qui a ci esté ?
« Cils chiens ! Et je n’ai riens gousté.
« Ensement sui, sans ocquoison
« D’estre batus en souspeçon.
« Mès on ne te requiert riensnée,
« Fors que bien faces ta journée.
« Si te pri cor, avances toi,
« Car droitement devant nous voi
« Une ville à un grant clochier.
« Nos mestres y vodra mengier ;
« Tu y auras là del avainne,
« Et je aussi prouvende plainne.
« Si te pri, et si le te los
« Que tu y voises les galos. »
Respont Griseaus : — « Ossi ferai-je
« Car de mengier grant talent ai-je. »

Froissars atant vint à la ville
Et là faillirent leur concile.


Il nous indique, dans les pièces suivantes, le nom de celle qu’il aimait, son portrait et la manière dont il en était traité.

BALADE.

Sur toutes flours tient-on la rose à belle
Et en après, je croi, la violette ;
La flour de lys est belle, et la perselle ;
La flour de glay est plaisans et parfette ;
Et li pluisour aiment moult l’anquelie,
Le pyonier, le muget, la soussie.
Cascune flour a par li sa merite.
Mès je vous di, tant que pour ma partie,
Sur toutes flours j’aime la Margherite.

Car en tous temps, plueve, gresille ou gelle,
Soit la saisons ou fresce, ou laide, ou nette,
Ceste flour est graciouse et nouvelle,
Douce et plaisans, blancete et vermillete ;
Close est à point, ouverte et espanie ;
Jà n’y sera morte ne apalie ;
Toute bonté est dedens li escripte ;
Et pour un tant, quant bien y estudie
Sus toutes flours j’aime la Margherite.

Et le douc temps ore se renouvelle,
Et esclaircit ceste douce flourette ;
Et si voi ci séoir dessus la sprelle
Deus cuers navrés d’une plaisant sajette,
À qui le Dieu d’amours soit en aye.
Avec eulx est Plaisance et Courtoisie
Et Douls-regars qui petit les respite.
Dont c’est raison, qu’au chapel faire, die :
« Sus toutes flours j’aime la Margherite. »

Mès trop grant duel me croist et renouvelle
Quant me sauvient de la douce flourette ;
Car enclose est dedens une tourette :
S’a une haie au devant de li faitte,
Qui nuit et jour m’empèce et contrarie.
Mès s’amours voelt estre de mon aye,
Jà pour creniel, pour tour, ne pour gurite,
Je ne lairai qu’à occoision ne die :
« Sus toutes flours j’aime la Margherite. »

LAY.

Son corps est gent, drois et lons,
Sain hault assis, petis, rons,
Et bien durès,
Blanches mains, bras lons, grassès ;
Jambes droites, piés moult gès ;
Et puis après :
Les yex vairs comme uns faucons,
Nés trettic, clers, et ses frons
Polis, jolis et bien fès,