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xxvii
Analyse de Méliador

elle avait cru reconnaître Méliador, ne la quitte plus un seul instant, mais elle ne veut révéler à personne le secret de son cœur et l’on remarque bientôt une altération dans sa santé. Le duc et la duchesse de Cornouailles, cherchant la cause de l’état maladif de leur fille, s’adressent d’abord à ses compagnes, puis à Lionnel : au sentiment de celui-ci, qui raconte les démarches auxquelles il s’est livré par ordre de sa maîtresse, le mal a sa source dans le fraternel amour de Phénonée pour Méliador. Le duc Patris feint alors d’avoir reçu un message de son fils qui se trouverait en Northumberland, et, du consentement de Phénonée, il dépêche Lionnel en ce pays, lui enjoignant de ne point revenir sans avoir de nouvelles assurées de Méliador, auquel il commande d’autre part de venir voir sa sœur (v. 19433).

La mesure prise par le duc amène tout d’abord quelque amélioration dans l’état de sa fille, mais Phénonée retombe bientôt dans un état encore plus fâcheux qu’auparavant. Patris s’avise alors de lui donner pour compagne une proche parente, Lucienne, fille du comte Lucien, et, par une délicate attention, il installe les deux cousines dans un manoir situé non loin de Tarbonne, dans le bois même d’où Méliador partit pour la quête. Lucienne ne tarde pas à gagner toute la confiance de Phénonée et, lui apprenant l’art de composer d’amoureux rondeaux, elle la tire peu à peu de sa mélancolie (v. 19680).

Une certaine nuit, le hasard conduit Lionnel dans la demeure d’un forestier où Agamanor et Bertoulet se trouvaient déjà couchés. Il partage le lit de Bertoulet et ne dort guère, non plus que son compagnon ; ils causent donc, et Lionnel lui fait connaître le but de son voyage et tout ce qui touche Phénonée. Bertoulet exprime le regret de ne pouvoir lui donner aucun renseignement utile et se garde bien de dire quel est son maître. Ils se séparent et Agamanor entend avec plaisir le récit que Bertoulet lui fait de son entretien avec Lionnel. Il compâtit aux peines de celle qui a son cœur, mais il ne saurait se réjouir des sentiments que