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Analyse de Méliador

presse donc de se nommer. Agamanor objecte en vain l’incognito que doivent garder les chevaliers de la quête. « Je vois bien », lui dit Phénonée, « que vos paroles sont menteuses. C’est pour une autre que vous soupirez ; c’est pour la princesse d’Écosse que vous avez quitté votre demeure et que vous avez décoré votre bouclier d’une dame blanche ; c’est son amour qui vous fit triompher devant Tarbonne ! » Agamanor se défend du mieux qu’il peut : si, en courant les aventures, il a d’abord songé à Hermondine qu’il connaît seulement de réputation, Phénonée a changé le cours de ses idées, car l’amour qu’inspire la vue d’une belle personne est bien plus fort que l’amour résultant d’une grande renommée. D’ailleurs la princesse d’Écosse épousera le plus preux chevalier de la quête, et il ne saurait prétendre au premier rang. Que Phénonée donc veuille bien l’avouer pour son chevalier, il sentira son courage doublé et à la hauteur des plus grandes entreprises (v. 22649).

La conversation des deux amants est interrompue en ce moment par Lucienne, et Phénonée se borne à retenir Agamanor jusqu’au lendemain matin, afin de pouvoir lui donner un cheval en échange du coursier qu’Abiace avait blessé. Lucienne, mise par sa cousine au courant de l’entretien qu’elle vient d’avoir avec Agamanor, lui dicte la réponse qu’il convient de faire à ce preux. On soupe et l’on se livre ensuite dans les vergers aux chants et à la danse. Entre temps, la fille du duc de Cornouailles fait connaître au Chevalier Rouge la décision qu’elle a prise : Hermondine étant destinée au plus preux des chevaliers de la quête, Phénonée n’aura d’autre mari que « le second preux de cette même quête », mais il ne lui déplairait pas que celui-là soit le Chevalier Rouge. Enfin, après avoir goûté quelque repos, Agamanor quitte le manoir, monté sur le cheval que lui a fait donner Phénonée (v. 23052).

Mais laissons là Agamanor et revenons à Méliador, ou plutôt à Hermondine et à Florée. Les deux jeunes filles