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POÉSIES

En un gardin alai juer
Où ot esbatemens pluisours
De roses, de lys et de flours,
Et d’aultres esbas mainte chose ;
Et là une vermeille rose
Coeillai sus un moult vert rosier ;
Et puis m’en vinc, sans point noisier,
Tout liement devant l’ostel
De ma dame. J’oc l’éur tel,
Que d’aventure l’i trouvai.
À li vinc, et se l’i rouvai
Que par amours le vosist prendre.
Elle respondi, sans attendre,
Sus le point dou non recevoir,
Et me dist, par moult grand sçavoir
Et par parlers douls et humains :
« Laissiè-le, elle est en bonnes mains »
Et je li dis : « Prendés-le, dame,
» Car en millours ira, par m’ame ; »
Et elle doucement le prist,
Et en parlant un peu sousrist.
Ce me fist grant joie et grant bien
Quant je vi le bon plaisir sien.
Congié pris et de là parti ;
Mès au départ moult me parti
Grandement de son doulc espart.
Je m’en retournai celle part
Où la rose coeillie avoie,
Car plus bel lieu je ne savoie
D’esbatemens ne de gardins.