Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

banderoles frissonnantes, et les regardaient à perte de vue, fixés dans le clair azur comme des écussons blancs, ponctués de couleurs vives.

Je marchais rapidement, pénétré et comme stimulé par ce bain de lumière, par ces odeurs de végétations naissantes, par ce vif courant de puberté printanière dont l’atmosphère était imprégnée. Ce que j’éprouvais était à la fois très-doux et très-ardent. Je me sentais ému jusqu’aux larmes, mais sans langueur ni fade attendrissement. J’étais poursuivi par un besoin de marcher, d’aller loin, de me briser par la fatigue, qui ne me permettait pas de prendre une minute de repos. Partout où j’apercevais quelqu’un qui pût me reconnaître, je tournais court, prenais un biais, et je m’enfonçais à perte d’haleine dans les sentiers étroits coupant les blés verts, là où je ne voyais plus personne. Je ne sais quel sentiment sauvage, plus fort que jamais, m’invitait à me perdre au sein même de cette grande campagne en pleine explosion de sève. Je me souviens que d’un peu loin j’aperçus les jeunes gens du séminaire défilant deux à deux le long des haies fleuries, conduits par de vieux prêtres qui, tout en marchant, lisaient leur bréviaire. Il y avait de longs adolescents rendus bizarres et comme amaigris davantage par l’é-