Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/119

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res, aux lueurs des premières étoiles qui s’allumaient à travers les arbres, comme des étincelles de feu semées sur la dentelle des feuillages, je marchais dans la longue avenue, écoutant cette musique si bien rhythmée, et me laissant conduire par ses cadences. J’en marquais la mesure ; mentalement je la répétai quand elle eut fini de se faire entendre. Il m’en resta dans l’esprit comme un mouvement qui se continua, et cela devint une sorte de mode et d’appui mélodique sur lequel involontairement je mis des paroles. Je n’ai plus aucun souvenir des paroles, ni du sujet, ni du sens des mots, je sais seulement que cette exhalaison singulière sortit de moi, d’abord comme un rhythme, puis avec des mots rhythmés, et que cette mesure intérieure tout à coup se traduisit non seulement par la symétrie des mesures, mais par la répétition double ou multiple de certaines syllabes sourdes ou sonores correspondant et se faisant écho. J’ose à peine vous dire que c’étaient là des vers, et cependant ces paroles chantantes y ressemblaient beaucoup.

À ce moment même, et pendant que je faisais cette réflexion, je reconnus devant moi, dans l’allée que je suivais, notre ami de tous les jours, M. d’Orsel, et ses deux filles. J’étais trop près d’eux