Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/136

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infusion capiteuse me fit tourner l’esprit, et il me fallut beaucoup de méditations violentes pour démêler les vérités utiles ou non que contenaient des aveux si graves. Au point où j’en étais, c’est-à-dire osant à peine épeler sans émoi le mot le plus innocent et le plus usuel de la langue du cœur, mes prévisions les plus hardies n’auraient jamais dépassé toutes seules l’idée d’un sentiment désintéressé et muet. Partir de si peu pour arriver aux hypothèses ardentes où m’entraînaient les témérités d’Olivier, passer du silence absolu à cette manière libre de s’exprimer sur les femmes, le suivre enfin jusqu’au but marqué par son attente, il y avait là de quoi me beaucoup vieillir en quelques heures. Cette enjambée exorbitante, je la fis cependant, mais avec des effrois et des éblouissements que je ne saurais vous dire, et ce qui m’étonna le plus quand j’eus acquis le degré de lucidité voulu pour comprendre pleinement les leçons d’Olivier, ce fut de comparer les chaleurs qui m’en venaient avec la froide contenance et les calculs savants de ce soi-disant amoureux.

Quelques jours après il me montrait une lettre sans signature.

« Vous écrivez ? lui demandai-je.