Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/162

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si malheureux ni ressentiment, ni colère, ni jalousie. Déjà il représentait l’empire de la raison avant de personnifier celui du droit. Aussi le jour où, dans le salon de Mme Ceyssac, M. d’Orsel nous présenta l’un à l’autre en disant de moi que j’étais le meilleur ami de sa fille, je me souviens qu’en serrant la main de M. de Nièvres, loyalement, je me dis : « Eh bien ! s’il en est aimé, qu’il l’aime ! » Et tout aussitôt j’allai m’asseoir au fond du salon ; et là, les regardant tous deux, bien convaincu de mon impuissance, plus que jamais condamné à me taire, sans aucune irritation contre l’homme qui ne me prenait rien puisqu’on ne m’avait rien donné, je revendiquai pourtant le droit d’aimer comme inséparable du droit de vivre, et je me disais avec désespoir : « Et moi ! »

À partir de ce jour, je m’isolai beaucoup. Moins qu’à personne, il m’appartenait de gêner des tête-à-tête d’où devait sortir l’intelligence de deux cœurs sans doute assez loin de se connaître. Je n’allai plus que le moins possible à l’hôtel d’Orsel. J’y jouais dorénavant un si petit rôle au milieu des intérêts qui s’y débattaient qu’il n’y avait pas le moindre inconvénient à m’y faire oublier.

Aucun de ces changements de conduite n’échappa certainement à Olivier ; mais il eut l’air