Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/169

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cet œil énigmatique se dilatait sans lumière, et tous les rayonnements de la vie s’y concentraient pour n’en plus jaillir.

« Prenons garde à Madeleine », me disait-elle dans une angoisse où perçaient des perspicacités qui m’effrayaient.

Puis elle essuyait ses joues avec colère, et s’en prenait à moi de cet excès d’insurmontable faiblesse contre lequel les vigoureux instincts de sa nature se révoltaient.

« C’est aussi votre faute si je pleure. Regardez Olivier, comme il se tient bien. »

Je comparais cette douleur innocente à la mienne, je lui enviais amèrement le droit qu’elle avait de la laisser paraître, et ne trouvais pas un mot pour la consoler.

La douleur de Julie, la mienne, la longueur des cérémonies, la vieille église où tant de gens indifférents chuchotaient gaiement autour de ma détresse, la maison d’Orsel transformée, parée, fleurie, pour cette fête unique, des toilettes, des élégances inusitées, un excès de lumière et d’odeurs troublantes à me faire évanouir, certaines sensations poignantes dont le ressentiment a persisté longtemps comme la trace d’inguérissables piqûres, en un mot les souvenirs incohérents