Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/182

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loin, je vis entrer Madeleine en compagnie de plusieurs jeunes femmes de son monde, en toilette d’été, habillées de couleurs claires, avec des ombrelles tendues qui se diapraient d’ombre et de soleil. Une fine poussière, soulevée par le mouvement des robes, les accompagnait comme un léger nuage, et la chaleur faisait que des extrémités des rameaux déjà jaunis une quantité de feuilles et de fleurs mûres tombaient autour d’elles, et s’attachaient à la longue écharpe de mousseline dont Madeleine était enveloppée. Elle passa, riante, heureuse, le visage animé par la marche, et se retourna pour examiner curieusement notre bataillon de collégiens réunis sur deux lignes et maintenus en bon ordre comme de jeunes conscrits. Toutes ces curiosités de femmes, et celle-ci surtout, rayonnaient jusqu’à moi comme des brûlures. Le temps était admirable ; c’était vers le milieu du mois d’août. Les oiseaux familiers s’étaient enfuis des arbres et chantaient sur les toitures où le soleil dardait. Des murmures de foule suspendaient enfin ce long silence de douze mois, des gaietés inouïes épanouissaient la physionomie du vieux collége, les tilleuls le parfumaient d’odeurs agrestes. Que n’aurais-je pas donné pour être déjà libre et pour être heureux !