Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/184

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elle perdit entièrement contenance. Je ne suis pas bien sûr de ce qu’elle me dit pour me témoigner qu’elle était heureuse et me complimenter, suivant l’usage. Sa main tremblait légèrement. Elle essaya, je crois, de me dire :

« Je suis bien fière, mon cher Dominique, » ou « C’est très-bien. »

Il y avait dans ses yeux tout à fait troublés comme une larme d’intérêt ou de compassion, ou seulement une larme involontaire de femme timide… Qui sait ! Je me le suis demandé souvent, et je ne l’ai jamais su.

Nous sortîmes. Je jetai mes couronnes dans la cour des classes avant d’en franchir le seuil pour la dernière fois. Je ne regardai pas seulement en arrière, pour rompre plus vite avec un passé qui m’exaspérait. Et si j’avais pu me séparer de mes souvenirs de collége aussi précipitamment que j’en dépouillai la livrée, j’aurais eu certainement à ce moment-là des sensations d’indépendance et de virilité sans égales.

« Maintenant qu’allez-vous faire ? me demanda Mme Ceyssac à quelques heures de là.

— Maintenant ? lui dis-je, je n’en sais rien. »

Et je disais vrai, car l’incertitude où j’étais s’étendait à tout, depuis le choix d’une position