être un accident regrettable pour elle. Un autre est venu qui l’a épousée. M. de Nièvres n’a donc pris que ce qui n’était à personne : aussi n’as-tu jamais protesté, parce que tu as beaucoup de sens, même en ayant beaucoup de cœur. Après avoir décliné toute prétention sur Madeleine comme mari, voudrais-tu, peux-tu y prétendre autrement ? Et pourtant tu continues de l’aimer. Tu n’as pas tort, parce qu’un sentiment comme le tien n’a jamais tort ; mais tu n’es pas dans le vrai, parce qu’une impasse ne mène à rien. Cependant, comme il n’y a dans la vie la plus bouchée que de fausses impasses, comme des carrefours les plus étroits il faut sortir en définitive, bon gré, mal gré, sinon sans avaries, tu sortiras de celui-ci, et tu n’y laisseras rien, je l’espère, ni ton honneur ni ta vie. Encore un mot, et ne t’en offense pas : Madeleine n’est pas la seule femme en ce monde qui soit bonne, ni qui soit jolie, ni qui soit sensible, ni qui soit faite pour te comprendre et pour t’estimer. Suppose un hasard différent : Madeleine serait une autre femme, que tu aimerais de même, exclusivement, et dont tu dirais pareillement : Elle, et pas une autre ! Il n’y a donc de nécessaire et d’absolu qu’une chose, le besoin et la force d’aimer. Ne t’occupe pas de savoir si je rai-
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