Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/207

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mais la plus innocente épreuve où ta probité de cœur puisse être engagée. Ce serait un vilain calcul et de plus un procédé maladroit. Ce que je veux, m’entends-tu ? c’est que tu sortes de ta tanière, esprit chagrin, pauvre cœur blessé. Tu t’imagines que la terre a pris le deuil et que la beauté s’est voilée, et que tous les visages sont en larmes, et qu’il n’y a plus ni espérances, ni joies, ni vœux comblés, parce que dans ce moment la destinée te maltraite. Regarde donc un peu autour de toi, et mêle-toi à la foule des gens qui sont heureux ou qui croient l’être. Ne leur envie pas l’insouciance, mais apprends d’eux ceci : c’est que la Providence, en qui tu crois, a pourvu à tout, qu’elle a tout proportionné et qu’elle a disposé d’inépuisables ressources pour les besoins des cœurs affamés. »

Je ne fus point ébranlé par ce flux de paroles, mais je finis par les écouter. L’affectueuse exaspération d’Olivier agit comme un calmant sur mes nerfs, affreusement tendus, et les attendrit. Je lui pris la main. Je le fis asseoir près de moi. Je lui demandai pardon d’un mot dit étourdiment, qui ne contenait nulle défiance. Je le suppliai de laisser passer cette crise de défaillance, qui ne durerait pas, lui dis-je, et qui résultait de longues