Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/209

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chose, car nous avons gardé l’un de l’autre le seul regret qui ne gâte jamais les souvenirs.

— Et maintenant ?

— Maintenant ! Est-ce que tu sais ?…

— Je ne sais rien ; mais j’imagine que tu as dû faire ce que tu me recommandes.

— C’est vrai, » dit-il en souriant.

Puis il devint sérieux, et me dit :

« Dans tout autre moment, je te raconterais, mais pas aujourd’hui. L’air de cette chambre est plein d’une émotion respectable. Il n’y a pas de promiscuité permise entre la femme dont j’aurais à t’entretenir et celle dont il ne faut pas même prononcer le nom lorsqu’il est question de la première. »

Le bruit d’un pas dans l’antichambre l’interrompit. Mon domestique annonça Augustin, qui venait rarement à pareille heure. La vue de cette ardente et inflexible physionomie me rendit en quelque sorte une lueur de courage. Il me semblait que c’était un renfort que le hasard m’envoyait dans un moment où j’en avais si grand besoin.

« Vous venez à propos, lui dis-je en faisant bonne contenance. Tenez, c’était bien la peine de me donner tant de mal. J’ai tout détruit. »