Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/239

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éclat de rire qui retentit dans le bois sonore comme un chant de fauvette.

Je rebroussai chemin, et, la suivant dans la contre-allée, toujours une épaisseur de taillis entre nous deux :

« Olivier est un bavard ! lui criai-je.

— Nullement bavard, dit-elle. Il a bien fait de m’avertir ; sans lui, je vous aurais cru une passion malheureuse, et je sais maintenant ce qui vous distrait : ce sont des rimes, » ajouta-t-elle en insistant de la voix sur ce dernier mot, qui résonna de loin comme une impertinence joyeuse.

Nous touchions au moment du départ, que je ne pouvais encore m’y résoudre. Paris me faisait plus peur que jamais. Madeleine allait y venir. Je l’y verrais, mais à quel prix ? Elle présente, je ne risquais plus de défaillir, du moins de tomber si bas ; mais pour un danger de moins combien d’autres surgiraient ! Cette vie que nous avions menée ici, cette vie de loisir et d’imprévoyance, silencieuse et exaltée, si constamment et si diversement émue, cette vie de réminiscences et de passions, tout entière calquée sur d’anciennes habitudes, reprise à ses origines et renouvelée par des sensations d’un autre âge, ces deux mois de rêve, en un mot, m’avaient replongé plus avant que jamais