Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/255

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Blessé partout, sans cesse malheureux, je la suivais toujours, ou, quand je ne la suivais plus, je la regrettais, je maudissais ceux qui me disputaient sa présence, et je me désespérais.

Quelquefois je me révoltais sincèrement contre des habitudes qui me dissipaient sans fruit, n’ajoutaient pas grand’chose à mon bonheur, et m’ôtaient un reste de raison. Je haïssais cordialement les gens dont je me servais pour arriver jusqu’à Madeleine, quand la prudence ou d’autres motifs m’éloignaient de sa maison. Je sentais, et je n’avais pas tort, qu’ils étaient les ennemis de Madeleine autant que les miens. Cet éternel secret, ballotté dans de pareils milieux, devait, à n’en pas douter, jeter, comme un foyer en plein vent, des étincelles imprudentes qui le trahissaient. On devait le connaître, du moins on pouvait l’apprendre. Il y avait une foule de gens dont je me disais avec fureur : « Ceux-là, j’en suis sûr, sont mes confidents. » Que pouvais-je attendre d’eux ? Des conseils ? Je les connaissais pour les avoir reçus déjà de la seule personne dont l’amitié me les rendît supportables, d’Olivier. Des complicités et des complaisances ? Non, cent fois non. J’en étais plus effrayé que je ne l’eusse été d’une vaste inimitié conjurée contre mon bonheur, à