Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/282

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« Vous m’avez beaucoup inquiétée, » me dit-elle.

Et elle poussa un soupir de soulagement. On eût dit que mon retour, au lieu de l’effrayer, la débarrassait au contraire d’un souci plus amer que tous les autres.

Elle reprit audacieusement sa tâche écrasante. Tous les moyens employés pour me sauver (c’était le seul mot dont elle se servît pour définir une entreprise où il s’agissait en effet de mon salut et du sien), tous étaient mauvais, quand ils ne me venaient pas directement de son appui. Elle voulait seule intervenir désormais dans ce débat dont elle était cause.

« Ce que j’ai fait, je le déferai ! » me dit-elle, un jour, dans un accès de fier défi poussé jusqu’à la folie.

Tout son sang-froid l’avait abandonnée. Elle commit des étourderies sublimes et qui sentaient le désespoir. Ce n’était plus assez pour elle d’assister à ma vie d’aussi près que possible, de m’encourager si je faiblissais, de me calmer lorsque je m’exaspérais. Elle sentait que son souvenir même contenait des flammes ; elle imagina de les éteindre, en veillant pour ainsi dire heure par heure sur mes pensées les plus secrètes. Il aurait fallu pour