Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/284

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intervalles, ou causant avec le calme apparent de deux amis qui se sont rencontrés par hasard. Elle me dévoilait, pendant ces heures de douce et brûlante étreinte, elle me révélait, comme autant de merveilles, des trésors de dévouement, d’abnégation, des ressources de prévoyance presque égales aux profondeurs de sa charité. Elle disciplinait ma vie mal réglée, ou plutôt déréglée et portée sans mesure à tous les excès contraires du travail acharné ou de la pure inertie. Elles gourmandait mes lâchetés, s’indignait de mes défaillances et me reprochait les invectives dont je m’accablais à plaisir, parce qu’elle voyait, disait-elle, les inquiétudes d’un esprit mal équilibré et plus perplexe encore qu’équitable. Si j’avais été capable de concevoir les moindres ambitions un peu fortes, ce qu’elle me communiquait de vrai courage aurait dû les allumer en moi comme un incendie.

« Je vous veux heureux, me disait-elle ; si vous saviez avec quelle ferveur je le désire ! »

Elle hésitait ordinairement sur le mot d’avenir, qui cruellement nous blessait par des avis, hélas ! trop raisonnables. Quelle perspective, quelle issue envisageait-elle au-delà du lendemain qui bornait nos rêves ? Aucune sans doute. Elle y sub-