Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/326

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cheveux me balayaient les lèvres. Elle ne pouvait pas faire un geste de mon côté que je ne sentisse aussitôt son souffle inégal, et je le respirais comme une ardeur de plus. Elle avait les deux bras croisés sur sa poitrine, peut-être pour en comprimer les battements. Tout son corps, penché en arrière, obéissait à des palpitations irrésistibles, et, chaque respiration de sa poitrine, en se communiquant du siège à mon bras, m’imprimait à moi-même un mouvement convulsif tout pareil à celui de ma propre vie. C’était à croire que le même souffle nous animait à la fois d’une existence indivisible, et que le sang de Madeleine et non plus le mien circulait dans mon cœur entièrement dépossédé par l’amour.

À ce moment, il se fit un peu de bruit dans une loge située de l’autre côté de la salle, où deux femmes entraient seules, en grand étalage, et fort tard pour produire plus d’effet. À peine assises, elles commencèrent à lorgner, et leurs yeux s’arrêtèrent sur la loge de Madeleine. Madeleine involontairement fit comme elles. Il y eut pendant une seconde un échange d’examen qui me glaça d’effroi, car au premier coup d’œil j’avais reconnu un visage témoin d’anciennes faiblesses et retrouvé des souvenirs détestés. En voyant ce regard per-