Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/366

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en arrière, puis en avant, et tomba dans mes bras tout d’une pièce. Je la saisis, je la tins quelques secondes ainsi collée contre ma poitrine, la tête renversée, les yeux clos, les lèvres froides, à demi morte et pâmée, la chère créature, sous mes baisers. Puis une terrible contraction la fit tressaillir ; elle ouvrit les yeux, se dressa sur la pointe des pieds pour arriver à ma hauteur, et, se jetant à mon cou de toute sa force, ce fut elle à son tour qui m’embrassa.

Je la saisis de nouveau ; je la réduisis à se défendre, comme une proie se débat, contre un embrassement désespéré. Elle eut le sentiment que nous étions perdus ; elle poussa un cri. J’ai honte de vous le dire, ce cri de véritable agonie réveilla en moi le seul instinct qui me restât d’un homme, la pitié. Je compris à peu près que je la tuais ; je ne distinguais pas très-bien s’il s’agissait de son honneur ou de sa vie. Je n’ai pas à me vanter d’un acte de générosité qui fut presque involontaire, tant la vraie conscience humaine y eut peu de part ! Je lâchai prise comme une bête aurait cessé de mordre. La chère victime fit un dernier effort ; c’était peine inutile, je ne la tenais plus. Alors, avec un effarement qui m’a fait comprendre ce que c’est que le remords d’une honnête