Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/371

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naître le véritable accident qui me réduisait à l’un de ces veuvages qu’on n’avoue pas :

« J’ignore ces chagrins-là, me dit-il ; mais je vous plains de toute mon âme. »

Et je ne doutais pas qu’il ne me plaignît en effet du fond du cœur, pour peu qu’il raisonnât d’après les pires désastres qu’il pouvait envisager dans l’avenir incertain de sa propre vie.

Il travaillait quand je le surpris. Sa femme était auprès de lui, et elle avait sur ses genoux un petit enfant de six mois qui leur était né pendant mon exil. Ils étaient heureux. Leur situation prospérait, je pus m’en apercevoir à des signes de relative opulence. Ils me donnèrent à coucher. La nuit fut effroyable ; une tempête de fin d’automne régna sans discontinuité depuis le soir jusqu’après le soleil levé. Je ne fis pas autre chose, dans le morne bercement de ce long murmure de vent et de pluie, que de penser au tumulte que le vent devait produire autour de la chambre et du sommeil de Madeleine, si Madeleine dormait. Ma force de réfléchir n’allait pas au-delà de cette sensation puérile et toute physique. L’orage étant dissipé, Augustin m’obligea de sortir dès le matin. Il avait une heure à lui avant de se rendre à Paris. Il me conduisit dans les bois, ravagés par le vent de la