Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/58

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gnait mes livres a fini platement par se faire maire de sa commune et vigneron.

— Et vous n’écrivez plus ? lui demandai-je.

— Oh ! pour cela, non, c’est fini ! D’ailleurs, depuis que je n’ai plus rien à faire, je puis dire que je n’ai plus le temps de rien. Quant à mon fils, voici quelles sont mes idées sur lui. Si j’avais été ce que je ne suis pas, j’estimerais que la famille des de Bray a assez produit, que sa tâche est faite, et que mon fils n’a plus qu’à se reposer ; mais la Providence en a décidé autrement, les rôles sont changés. Est-ce tant mieux ou tant pis pour lui ? Je lui laisse l’ébauche d’une vie inachevée, qu’il accomplira, si je ne me trompe. Rien ne finit, reprit-il tout se transmet, mêmes les ambitions. »

Une fois descendu de cette chambre dangereuse, hantée de fantômes, où je sentais que les tentations devaient l’assiéger en foule, Dominique redevenait le campagnard ordinaire des Trembles. Il adressait un mot tendre à sa femme et à ses enfants, prenait son fusil, sifflait ses chiens, et, si le ciel s’embellissait, nous allions achever la journée dans la campagne trempée d’eau.

Cette existence intime dura jusqu’en novembre, facile, familière, sans grands épanchements, mais avec l’abandon sobre et confiant que Dominique