Page:Fromentin - Dominique, 1863.djvu/74

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Ce qu’il y avait de plus positif, surtout pour ceux que mon avenir eût intéressés, c’est que cette éducation soi-disant vigoureuse était détestable. Tout dissipé que je fusse, et coudoyé et tutoyé par des camaraderies de village, au fond j’étais seul, seul de ma race, seul de mon rang, et dans des désaccords sans nombre avec l’avenir qui m’attendait. Je m’attachais à des gens qui pouvaient être mes serviteurs, non mes amis ; je m’enracinais sans m’en apercevoir, et Dieu sait par quelle fibres résistantes, dans des lieux qu’il faudrait quitter, et quitter le plus tôt possible ; je prenais enfin des habitudes qui ne menaient à rien qu’à faire de moi le personnage ambigu que vous connaîtrez plus tard, moitié paysan et moitié dilettante, tantôt l’un, tantôt l’autre, et souvent les deux ensemble, sans que jamais ni l’un ni l’autre ait prévalu.

Mon ignorance, je vous l’ai déjà dit, était extrême ; ma tante le sentit ; elle se hâta d’appeler aux Trembles un précepteur, jeune maître d’étude du collége d’Ormesson. C’était un esprit bien fait, simple, direct, précis, nourri de lectures, ayant un avis sur tout, prompt à agir, mais jamais avant d’avoir discuté les motifs de ses actes, très-pratique et forcément très-ambitieux. Je n’ai vu per-