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Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/141

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L’HOMME À L’HISPANO

fièvre circulait. Il lui sembla qu’il avait le délire et qu’il était déjà couché sur le sol du Sénégal. Il avait dans son cerveau des images qu’il se créait de ce pays, des apparitions de forêts humides, de mornes étendues, des ombres dures et lourdes sous un soleil blanc de chaleur et une solitude effrayante. Et il se mit à souffrir avec tant d’acuité dans son corps et dans son esprit qu’il devint incapable d’un mouvement. Il ne savait plus qu’il n’était pas, déjà, là-bas, affalé comme un noir sur les dunes, mais au troisième étage du palace de l’impératrice Eugénie. Les yeux ouverts, il ne voyait plus les objets véritables qui l’entouraient et il resta longtemps ainsi et sans lumière, longtemps, longtemps, bien après que la nuit fut montée. Quand l’idée de Stéphane lui revenait, il ne la revoyait pas telle que tout à l’heure, dans un salon, mais ainsi qu’il l’avait tenue dans ses bras. C’était comme une apparition de sa maîtresse perdue. Alors, une angoisse physique, une douleur de bête malade le faisait geindre, se plaindre doucement sans en avoir conscience. Il haletait, déchiré de regrets, de souvenirs, déjà de nostalgie…

Et quand elle entra, quand il la vit vraiment et qu’elle posa sa main, sa main véritable sur son pauvre front, il se dressa, comme éveillé d’un cauchemar, et cria de joie. Il cria à la façon des bêtes bouleversées de tendresse qui revoient leur maître. Il se souleva vers elle et la