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L’HOMME À L’HISPANO

des tables ; on pouvait y boire des infusions ; de l’autre, elle avait agencé un bar ; elle le regretta parce qu’il attirait des hommes seuls, des étrangers qui s’abreuvaient de gin en parlant avec rapacité des choses du sport. Elle rêvait une espèce de thé-chapelle, un endroit recueilli, un lieu de rendez-vous candide pour les amants. Elle avait en horreur toute autre clientèle. Cette après-midi-là, vers cinq heures, elle rayonnait dans la solitude.

Une aventure merveilleuse, depuis quelques jours, se déroulait dans sa maison.

Elle n’avait qu’une idée, c’est que les héros de cette aventure ne fussent dérangés par personne. Elle les attendait. Elle ne leur avait jamais parlé, mais, trois fois déjà, ils étaient venus. Elle ignorait le nom de l’homme. Elle l’appelait : l’homme qui ne rit jamais quand il est seul. La caissière disait : l’homme à l’Hispano. La femme admirable et respectée, on la connaissait. On savait qu’elle était Stéphane, la dernière descendante de la famille des Coulevaï.

Et la famille des Coulevaï, aux pays basque et béarnais, c’est quelque chose comme une dynastie.

Sans remonter trop haut — par exemple jusqu’au Grand Roi, sous lequel un Coulevaï, au soir même de Lagos, en 1693, gagnait une pipe à Jean-Bart, d’un coup de dés — l’histoire des Coulevaï était connue, de tous, depuis 1880. Cette