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L’HOMME À L’HISPANO

railleries. Mais toujours, dans le haut du visage, le regard dur, le regard fixe aux deux couleurs, rappelait que la manie pouvait devenir dangereuse. Il s’agissait d’un homme qui, vers trente ans, aux Indes, attachait aux joncs des rivages, et tranquillement, les jeunes indigènes à chair fraîche ; au coin des sentiers qui descendent vers l’eau, ils attiraient l’alligator ; ils appâtaient le seigneur tigre. Oswill était bon fusil. Deux fois, cependant, les fauves avaient dévoré les enfants. Il devint nécessaire d’appeler un régiment et des canons. Le gouverneur de la province dut prier le baronnet d’aller plus loin — en Indochine française — continuer ses chasses. Oswill avait obéi, souriant, mais les dents serrées. Quand il racontait l’aventure, il ne manquait pas d’ajouter :

— Beaucoup d’histoire pour deux gosses hindous croqués. Ils étaient maigres comme des chats de White Chapel. En voilà une affaire ! C’est curieux… Les Anglais d’aujourd’hui donnent dans la pitié russe… les Anglais qui ont eu Hobbes !… Ça me dégoûte vraiment. Ce n’est pas l’esprit national.

S’il avait rencontré une bouteille de gin et s’il pensait alors à Tolstoï ou à Dostoïewski, il devenait furieux. Le premier surtout, qu’il appelait le mangeur de carottes, lui donnait l’envie de vomir. L’histoire de la Maslowa lui semblait répugnante, il avait puisé dans ses « expériences » la