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L’HOMME À L’HISPANO

Le mari passa au travers de ce drame, comme un étourneau dans une toile d’araignée, sans en ressentir aucun choc. Il vivait heureux, puisqu’il gagnait beaucoup d’argent, à peine moins qu’il en dépensait. Georges connut par lui le luxe, le désordre. Sa mère à son tour disparut. Elle avait conservé, pour y faire des pèlerinages, quelques arpents du temps passé. C’étaient des photographies, des reliques du mort et toutes les lettres de l’amour. M. Dewalter, stupéfait, apprit tout d’un coup qu’il n’avait jamais eu d’enfant ; il retourna courir les filles. Georges s’en alla chez les spahis. Quand il revint, il fut seul devant la vie, comme Daniel chez les lions.

Ce qu’il advint de lui jusqu’au jour de sa rencontre avec Stéphane, c’est l’histoire d’un malheureux pendant quatorze années, son voyage sur des routes obscures. Où sont les amis pour organiser les étapes ? Où les relais ? Nulle part. Il s’en va comme un indigent. Des travaux, il en trouve, mais de ceux qui restent des tunnels inachevés et au bout desquels rien ne luit. Il arrive même qu’on lui refuse des places modestes. On lui répond avec une politesse sincère : « Je ne peux pas vous offrir cela, à vous ». Avoir l’air d’un prince, quelle aubaine pour un escroc ! Mais pour un pauvre honnête, quel handicap ! Pourtant il gagne son pain courageusement. Il essaie d’écrire : il a trop de noblesse et pas assez d’habileté ; il est peut-être un grand poète, mais personne ne le