Aller au contenu

Page:Fulbert-Dumonteil - Portraits zoologiques.pdf/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
PORTRAITS ZOOLOGIQUES

incarnation de Bouddha, et que les âmes royales se réfugient dans le corps de ces grands pachydermes, où, en vérité, elles doivent se trouver fort à l’aise.

Juliette et Roméo ne sont pas les premiers Éléphants qu’ait vus le Jardin d’acclimatation. Tout Paris se souvient de leurs infortunés prédécesseurs, Castor et Pollux.

Un long et doux avenir leur souriait, quand tout à coup vint le siége de Paris. Que vouliez-vous qu’ils fissent ? Ils moururent. Un boucher les acheta vingt-deux mille francs, et leurs cadavres fournirent douze cents kilogrammes de viande à la cité sans pain.

Temps maudits où chaque jour était marqué par une douleur, une déception, un étonnement public !

Nos bêtes à nous, le bœuf, la vache, le mouton, le veau, le porc, avaient disparu ; et le casoar, l’élan, le porc-épic, le kangurou, l’autruche, pendaient aux crocs du boucher, devant la foule stupéfaite et affamée.

Le Jardin d’acclimatation tenait bon entre quatre murs, et son directeur, improvisé soldat, faisait le coup de feu aux avant-postes.

Saisissant et douloureux contraste ! Nous n’avions plus de pain et nous mangions de l’ibis sacré ; on ne pouvait chasser le lièvre dans le parc de Saint-Cloud, qui était prussien, et l’on chassait l’éléphant en plein Paris ; on ne pouvait faire le tour de la ville assiégée, et l’on faisait le tour du monde dans son assiette.

J’eus la douleur d’être témoin de la mort de Castor et de Pollux.

Pollux tomba sous la balle du célèbre armurier Devisme ; M. Alphonse Milne Edwards abattit Castor.

L’animal avait été solidement lié par une forte courroie