Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/122

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dez, je vais vous le dire, voici le fait : Un particulier nommé Cinna s’advise de vouloir tuer un empereur ; il fait ligue offensive et deffensive avec un autre appellé Maxime. Mais il arrive qu’un certain quidam va descouvrir le pot aux roses. Il y a là une demoiselle qui est cause de toute cette manigance, et qui dit les plus belles pointes du monde. On y voit l’empereur assis dans un fauteuil, devant qui ces deux messieurs font de beaux plaidoyers, où il y a de bons argumens. Et la piece est toute pleine d’accidens qui vous ravissent. Pour conclusion, l’empereur leur donne des lettres de remission, et ils se trouvent à la fin camarades comme cochons. Tout ce que j’y trouve à redire, c’est qu’il y devroit avoir cinq ou six couplets de vers, comme j’en ay veu dans le Cid, car c’est le plus beau des pieces. C’est dommage (dit Laurence) qu’on ne vous donne la commission de faire des prologues, car vous reussissés merveilleusement à expliquer le sujet d’une tragédie.

Nicodeme les interrompit par son arrivée. La bonne humeur où estoit Vollichon fut cause qu’il le receut mieux qu’à l’ordinaire, bien qu’en son ame il eust dessein de rompre avec luy, attendant seulement que quelqu’une de ses legeretés luy en fournist l’occasion. Aussi ne luy pouvoit-on pas refuser un libre accès aupres de sa maistresse tant que l’engagement qu’il avoit avec elle, c’est à dire son contrat, subsisteroit.

Dès que cet amant eut fait ses reverences, il dit à Madame Vollichon : Hé bien, ma bonne maman, ne m’avés-vous pas donné une generalle amnistie de tout le passé ? Quest-ce que vous me venés conter (répondit-elle brusquement) avec votre amnistie ? Je veux dire (reprit