Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/150

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par des caresses redoublées qu’elle luy fit. Pancrace se mit aussi de la partie pour la consoler, à quoy il s’employa de tout son cœur. Il commençoit déjà à nouer une conversation particuliere avec Javotte, pour laquelle, pendant toute cette visite, il avoit senti une extraordinaire émotion, quand ils furent interrompus par un grand cry que fit Hyppolite, qui dit : Vrayment, voicy un poulet de belle taille ! J’ai envie de voir tout à l’heure ce qu’il chante. Elle dit cela à l’occasion d’un certain cahier qu’elle venoit de ramasser, tombé de la poche d’Angélique lorsqu’elle s’étoit brusquement levée. Angelique le lui redemanda civilement, lui reprochant qu’elle vouloit sçavoir ses secrets. On ne les met point en si gros volume (reprit Hyppolite) ; asseurément c’est quelque ouvrage de galenterie, dont il ne faut pas que vous ayez le plaisir toute seule ; à tout le moins j’en veux voir le titre. Et si-tost qu’elle l’eut leu, elle s’escria encore plus haut : Vrayement, vous seriez la plus des-obligeante personne du monde, de vouloir priver une si belle compagnie du divertissement qu’elle aura d’entendre une piece dont le titre promet beaucoup. Au pis-aller, je l’emporteray et je la liray malgré vous. J’y retiens part (répondit alors Charroselles), et je seray bien d’avis qu’on la lise icy tout haut ; en récompense je vous lirai une autre composition de ma façon, qui sera deux fois plus longue et qui ne sera peut-estre jamais imprimée.

Philalethe, qui connoissoit l’humeur de Charroselles, qui alloit lire dans les compagnies ses ouvrages pour se consoler de ce que les libraires ne les vouloient point imprimer, fremit de peur à cette menace pour toute la compagnie ; et, de crainte d’en attirer sur elle l’effet, il se joignit à Angelique pour combattre l’opiniastre Hyppo-