Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/16

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aussi exacte que vive des habitudes et des travers de toute une classe de la société, est un tableau ; c’est le premier roman d’observation qu’ait produit la littérature françoise.

Les deux auteurs se rencontrent néanmoins dans une intention commune de réaction contre le romanesque guindé et emphatique des Scudéry, des Gomberville et des La Calprenède. Tout le monde connoit, sans que j’aie besoin de la rapporter, la phrase en forme de charade par laquelle débute le Roman comique.

« — Je chante, dit l’auteur du Roman bourgeois, les amours et les advantures de plusieurs bourgeois de Paris, de l’un et de l’autre sexe. — Et, ce qui est de plus merveilleux, c’est que je les chante, et si je ne sçay pas la musique. » L’identité des deux intentions est frappante. Là, au surplus, s’arrête la similitude ; on ne la ressaisit plus à travers le livre de Furetière que dans certaines boutades à intention comique ou burlesque, comme par exemple la scène ou Nicodème, voulant se jeter aux genoux de sa maîtresse, met en pièces le ménage de Mme Vollichon ; ou celle encore des laquais vengeant leur maître, éclaboussé, par des coups de fouet et de pierres lancés au dos des maquignons.

Peindre, telle est l’intention fondamentale du roman de Furetière, et peindre en caricature.

Pour bien entrer dans le sens intime de sa satire, il est nécessaire de considérer l’époque de révolution sociale où il écrivoit.

La pacification du royaume, fatale aux princes, qu’elle avoit fait descendre des rôles de chefs de parti et de souverains aux charges d’intendants de provinces et de