Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

man de Furetière, procureurs, pédants, avocats, plaideurs, joueurs, etc., un seul homme a vraiment le beau rôle, l’homme de cour, le marquis, un Clitandre de Molière.

Cette rencontre avec le poète comique n’est pas fortuite. Il est aisé de voir qu’elle n’est que l’effet d’une communauté d’idées facile à constater. Quels sont les personnages le plus ordinairement drapés dans le théâtre de Molière ? — Le faux noble, le bourgeois enrichi (Jourdain), le manant ambitieux (Georges Dandin), le hobereau de province qui ne va point à Versailles (Pourceaugnac, la marquise d’Escarbagnas). Trissotin n’est pas plus ridicule comme cuistre qu’ennemi des courtisans ; c’est un bourgeois goguenard ; lui et son acolyte Vadius sont des pédants en us, c’est-à-dire des auteurs écrivant pour leurs pareils, et point pour la cour. Si Gorgibus et le bonhomme Chrysale se produisent parfois avec avantage comme personnifications du bon sens, on ne peut nier, tant la bourgeoisie est ravalée en leurs personnes, que de pareils modèles ne soient une ironie de plus.

L’identité d’inspiration se retrouve jusque dans le choix des personnages de la charmante nouvelle allégorique que Furetière a, suivant le goût du temps, intercalée dans la seconde partie de son roman. L’Amour, descendu sur la terre pour fuir une correction maternelle, s’attache successivement à différents types, destinés, dans la pensée de l’auteur, à attester la dépravation des sentiments et l’avilissement des cœurs de son siècle : une pédante, Polymathie-Armande ; une prude, Archelaïde-Arsinoë ; une coquette, Polyphile-Célimène ; Landore, une sotte ; Polione, une courtisane, etc., etc.