Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/20

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un rôle que d’accuser scrupuleusement jusqu’aux moindres circonstances de leurs habitudes et jusqu’aux moindres détails de leur physionomie.

Cette fidélité rigoureuse de peinture a accrédité le préjugé que tout le mérite du roman de Furetière consistoit dans une suite de caricatures et d’allusions personnelles intéressantes pour les seuls contemporains. Certains critiques l’ont représenté comme une longue allégorie dont la clef seroit perdue pour nous. Nous pouvons affirmer que ces critiques ne l’avoient pas lu. Non, quand même nous ne saurions pas que Vollichon est le procureur Rollet, que Charroselles est Charles Sorel, et la plaideuse Collantine Mme de Cressé, le roman de Furetière n’en seroit pas pour cela dépourvu de charme et d’interêt ; il y resteroit, indépendamment du mérite aléatoire de sa caricature, l’observation des mœurs intimes d’une époque importante et curieuse comme toute époque de transition ; il resteroit la lutte du vieil esprit frondeur, égoïste et sournois des corporations, avec les mœurs d’une société plus polie et plus cordiale ; il resteroit la fusion de l’élément bourgeois et de la noblesse, s’effectuant par l’ambition de l’une et par la corruption de l’autre ; il resteroit enfin de précieux enseignements pour l’histoire judiciaire et pour l’histoire littéraire, au moment où, en raison de révolutions inattendues, le métier d’hommes de lettres, le métier d’avocat, alloient monter au premier rang des fonctions sociales.

Furetière, d’ailleurs, ne s’est pas toujours borné, ainsi qu’on a voulu le faire croire, à critiquer les vices et les ridicules particuliers à son temps : le Tarif des partis sortables en mariage, l’Inventaire de Mytophi-