Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/229

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que je vous veux reciter, afin de sçavoir vostre sentiment ; je l’ay des-ja consultée à trois advocats, dont le premier m’a dit oüy, l’autre m’a dit non et le troisième il faut voir. Je me suis quelquefois mieux trouvée d’une consultation faite à un homme d’esprit et de bon sens (comme vous me paroissez) qu’à tous ces grands citeurs de code et d’indigeste. Cette petite flatterie dont il se sentit chatoüiller l’obligea de prester encore une semblable audience ; il trepignoit souvent des pieds, il faisoit beaucoup d’interruptions ; mais tout ainsi qu’un edifice au milieu de la riviere, apres en avoir divisé le cours, la fait aller avec plus d’impetuosité, de mesme ces interruptions ne faisoient qu’augmenter la violence du torrent des paroles de Collantine. Elle poussa son affaire et la patience de son auditeur à bout, et négligea mesme à la fin d’écouter l’advis qu’elle luy avoit demandé, pour se servir de la même fleur de rethorique dont elle s’estoit servie l’autre fois, et passer, sans estre interrompue, au recit d’une autre affaire. Mais une puissance superieure y pourvût, car la nuit vint, et fort obscure, de sorte qu’à son grand regret elle brisa là, et promit de conter le reste la premiere fois qu’elle auroit l’honneur de le voir. À son geste et à son regard parut assez son mécontentement ; sans doute que, dans son


que c’étoit une juridiction crée par l’édit de Nantes, se composoient moitié de magistrats catholiques, moitié de protestants. On y jugeoit les causes de ceux-ci. Dès avant la révocation de l’édit, elles n’existoient plus. Louis XIV les supprima en 1670. Le Coigneux, père de Bachaumont, étoit président à l’édit. (Tallemant, Historiettes, édit. in-8º, t. 3, p. 107.)