Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/232

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taire à monsieur le conseiller. Ce n’est pas (répondit-elle) la pire habitude qu’on y puisse avoir. Il luy dit encore, en lui en marquant un autre : Ma belle-sœur a tenu un enfant du fils aîné de la nourrice-de celuy-là, chez lequel elle est cuisiniere ; je puis luy faire tenir un placet par cette voye. Cela ne sera pas à negliger (reprit Collantine) ; il arrive assez souvent que nous nous laissons gouverner par nos valets plus puissamment que par des parents ou des personnes de qualité. Mais, à propos, ne connoistrez vous point quelque chasseur, car j’ay affaire à un homme qui aime grandement la chasse ; de chasseur à chasseur il n’y a que la main : si j’en sçavois quelqu’un, je le prirois de luy en parler quand il seroit avec luy à la campagne. Je craindrois (luy dit Charroselles, qui vouloit faire le bel esprit), une telle sollicitation, et qu’on ne lui en parlast qu’en courant et à travers les champs. C’est tout un (repliqua la chicaneuse) ; cela fait tousjours quelque impression sur l’esprit ; et, avec la mesme importunité, elle luy en designa un autre de la faveur duquel elle avoit besoin. Pour celuy-là (luy dit-il), c’est un homme fort devot ; si vous connoissez quelqu’un aux Carmes deschaussez, vostre affaire est dans le sac ; car on m’a dit qu’il y a un des peres de ce couvent qui en fait tout ce qu’il veut ; je ne sçay pas son nom, mais ces bons peres font volontiers les uns pour les autres. Helas (reprit Collantine avec un grand soûpir) ! je n’y ai connoissance quelconque ; toutefois, attendez : je connois un religieux recollet de la province de Lyon, à qui j’ay ouy dire, ce me semble, qu’il avoit un cadet qui estoit de ce couvent ; il trouvera quelqu’un de cet ordre ou d’un autre, il n’importe, qui fera mon affaire.