Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

res estoient obligez de les aller dégager de la taverne ou hostellerie, où ils avoient fait de la dépence au delà de l’argent qu’ils leur avoient promis.

Il escrivit donc à tous ceux qu’il connoissoit ; il leur manda son dessein et leur envoya un plan ou un eschantillon de son ouvrage, pour sçavoir d’eux s’ils le voudroient imprimer. Mais comme ces libraires estoient dégoustez de tous ses écrits par les mauvais succès qu’avoient eu ses livres precedens, ils luy manderent tout à plat qu’ils n’imprimeroient rien de luy qu’il ne les eut dédommagez des pertes qu’il leur avoit fait souffrir, ce qui le mit en une telle colère, qu’il eust déchiré le livre qu’il composoit, sans la tendresse paternelle qu’il avoit pour luy. Neantmoins cela luy fit abandonner ce dessein. Toutesfois la rage où il estoit contre Collantine n’estant pas satisfaite, il voulut faire du moins quelque petite pièce contre elle, qu’il pust faire courir en manuscrit chez les gens qui la connoissoient. Mais parce que la prose ne se peut pas resserrer dans des bornes estroites, il fut contraint de tascher à faire des vers. Cependant, il avoit une estrange aversion pour la poësie89, et quelque effort qu’il eust pû


1663, in-8º, p. 615.) — Cette manière de composer au cabaret étoit encore de tradition littéraire au XVIIIe siècle. L’abbé Prevost ne faisoit pas autrement. « La feuille d’impression lui étoit payée un louis, dit M. A. Firmin Didot ; nous possédons des traités signés au cabaret, au coin de la rue de la Huchette, suivant l’usage du temps. » (Encyclop. moderne, Paris, 1851, in-8º, t. 26 (art. Typographie), p. 835, note.

89. Charles Sorel, bien qu’il ait cherché à faire tout ce qui concernoit son etat d’auteur, n’a pas laissé en effet un seul vers.