Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/293

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gent ? Il est vray que je ne sçay de quelle université elles sont, mais mademoiselle les a veuës, car je les ay produites quand elle m’a accusé de ne sçavoir pas le latin. J’ay fait toutes mes classes, tel que vous me voyez ; il est vray qu’ayant esté long-temps à la guerre, j’ay tout oublié.

Vous estes donc (luy dit Charroselles) plus que docteur, car j’ai ouy dire quelquefois qu’un bachelier est un homme qui apprend, et un docteur un homme qui oublie ; vous qui avez tout oublié estes quelque chose par delà. Pour revenir à vos vers, ils sont d’une manière toute extraordinaire ; je n’en ay point veu de pareils, et je ne doute point que vous ne fassiez de beaux chefs-d’œuvres s’il vous vient souvent de telles boutades. Ha (dit Belastre), je voudrois bien sçavoir les regles d’une boutade ; est-il possible que j’en aye fait une bonne par hazard ? Vous estes bien difficiles à contenter, vous autres messieurs les delicats (dit là dessus Collantine) ; pour moy, j’aime generalement tous les vers poetiques, et surtout les quatrains de six vers, tels que sont ceux qui sont pour moy. Charroselles sousrit de cette belle approbation, et insensiblement prit occasion, en parlant de vers, de déclamer contre tous les autheurs qu’il connoissoit, et il n’y en eut pas un, bon ou mauvais, qui ne passast par sa critique, sans prendre garde s’il parloit à des personnes capables de cet entretien. Mais j’obmettray encore à dessein tout ce qu’il en dit, car on me diroit que c’est une médisance de reciter celle que les autres font. La conclusion fut que Collantine, qui s’étoit teuë long-temps pendant qu’il parloit de ces autheurs, dont elle ne connoissoit pas un, voulant parler de vers à quelque prix que ce fust, vint à dire :