Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/62

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loient en cet endroit comme en un rendez-vous general de galans, et elles y alloient chercher un party comme on iroit au bureau d’adresse10 chercher un lacquais ou un valet de chambre. Les unes se mirent à jouer avec de jeunes gens qui y estoient aussi fraîchement arrivez, les autres allerent causer avec Lucrece. Elles ne connoissoient point le marquis, et ainsi elles le prirent pour quelque miserable provincial. Comme les bourgeoises commencent à railler des gens de province aussi bien que les femmes de la cour, elles ne manquerent pas de luy donner chacune son lardon. L’une luy disoit : Vrayment, monsieur est bien galant aujourd’huy ; il ne man-


10. On appeloit ainsi, dit Furetière dans son Dictionnaire, « un bureau établi à Paris par Théophraste Renaudot, fameux médecin, où l’on trouve les adresses de plusieurs choses dont on a besoin. » Suivant le Dict. de Trévoux, qui n’est, comme on sait, qu’un remanîment de celui de Furetière, le bureau d’adresses fut long-temps interrompu, à cause de son peu de succès, qui avoit découragé « ceux qui s’en étoient mêlés. » Il y est dit toutefois (édit. 1732} : « On vient de le rétablir en 1702, et la manière dont on y a établi le bon ordre pour la commodité du public fait espérer qu’il réussira. » Par un autre dictionnaire, Novitius (Paris, 1721, in-4., p. 75), on sait le nom de celui qui le dirigeoit. Il y est dit, au mot Nomenclator : « Herpin, qui enseigne à Paris les noms et les demeures des personnes de qualité. » C’est à cet Herpin, sans doute, que Le Sage fait allusion dans Gil-Blas (liv. 1er, ch. 17), quand il fait dire par Fabrice à Gil-Blas : « Je vais de ce pas te conduire chez un homme à qui s’adresse la plupart des laquais qui sont sur le pavé… Il sait où l’on a besoin de valet, et il tient un registre non seulement des places vacantes, mais des bonnes et des mauvaises qualités des maîtres. »