Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/67

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de mademoiselle (dit-il) en montrant Hyppolite, dont il ne sçavoit pas le nom, afin qu’elle n’ayt point le déplaisir de converser avec des gens crottez. Le marquis dit ces paroles avec assez d’aigreur, estant animé de ce qu’elle l’avoit raillé d’abord, et, pour luy rendre le change, il ajouta un peu librement : Encore je souffrirois plus volontiers que des femmes de condition, qui ont des appartements magnifiques, et qui ne voyent que des polis et des parfumés, eussent de la peine et du dégoust à souffrir d’autres gens ; mais je trouve estrange que des bourgeoises les veüillent imiter, elles qui iront le matin au marché avec une escharpe12 et des souliers de vache retournée, et qui, pour les necessitez de la maison, recevront plusieurs pieds plats dans leur chambre, où il n’y a rien à risquer qu’un peu d’exercice pour les bras de la servante qui frotte le plancher ; cependant ce sont elles qui sont les plus delicates sur la propreté,


« Il n’alloit plus autrement, dit Tallemant, et durant un an on ne rencontroit que lui par les rues, afin qu’on vît que cette voiture étoit commode. Chaque chaise lui rend, toutes les semaines, cent sous ; il est vrai qu’il fournit de chaises, mais les porteurs sont obligés de payer celles qu’ils rompent. » (Historiettes, 1re édit., t. 4, p. 188, 191.) Ces chaises étoient numérotées, comme nos fiacres. (Id., t. 3, p. 253.) Elles firent vite fortune. Mascarille, comme un vrai marquis, s’en passoit la fantaisie : « Il fait un peu crotté, mais nous avons la chaise. — Madelon. Il est vrai que la chaise est un retranchement merveilleux contre les insultes de la boue et du mauvais temps. » (Les Précieuses ridicules, scène 10.)

12. L’escharpe ne se mettoit alors qu’en déshabillé ; les femmes ne la portoient « qu’en habit de couleur et négligées. » (Dict. de Trévoux.)