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ABO. ABO.


en mots & en phrases. cette maison est abondante en biens. les hableurs sont abondants en paroles.

D’abondant. adv. En outre. Il luy a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit gueres qu’au Palais.

Abonder. v. neut. Avoir beaucoup de quelque chose. Ce pays abonde en froment, en vins, en fourrages. cet homme abonde en richesses, en esprit. l’eau abonde en cet estang. cette famille abonde en honnestes gens.

On dit figurément, qu’un homme abonde en son sens, pour dire, qu’il est trop bien persuadé de ses opinions, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Il abonde en malice, en mauvais raisonnements. l’Ecriture dit que la grace abondera où le peché a abondé. On dit proverbialement au Palais, Ce qui abonde ne vitie pas.

Ces mots viennent du Latin abundare, qui vient de unda, & qui se dit en premier lieu des rivieres quand elles sont grosses ; & ensuite par rapport de toutes les choses qui sont en grande quantité.

ABONNEMENT, ou Abournement ; Abonnage, ou Abournage. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, ou on fixe à un prix certain une redevance incertaine. Ce mot vient de ce qu’on met certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit pretendre. Pasquier. On disoit même autrefois bonnes pour bornes ou limites. Menage.

Abonner, ou Abourner. v. act. Terme du Palais. Estimer & reduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on payoit en especes, & dont le prix estoit incertain. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. ce marchand est abonné à cent escus par an avec le Doüanier pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. par plusieurs Coûtumes les roucins de service sont abonnez à un escu.

Abonner, signifie aussi, Aliener, changer : c’est quand un vassal aliene ses rentes, ou change son hommage à quelque autre devoir. Voyez les Coûtumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliener, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

Abonné, ée. part. pass. & adj. Champart abonné, ou abourné. Les Coûtumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnez, de queste abonnée, d’aydes abonnées, c’est à dire, fixées.

On dit aussi des meusniers abonnez au Seigneur pour avoir permission de chasser & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coûtume de Nevers, & abournée en la Coûtume de Troyes.

ABONNIR. v. act. Rendre meilleur. Les cabaretiers trouvent moyen d’abonnir leur vin par les drogues qu’ils y meslent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les affaires criminelles s’abonnissent, quand on les fait tirer en longueur. les fruits s’abonnissent en meurissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon.

ABORD. s. m. Lieu d’où on peut approcher, où on peut arriver aisément. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. on fait grande estime des havres d’entrée qui sont de facile abord. Ce mot est composé de a, & de bord, signifiant rivage.

Abord, se dit aussi de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Constantinople est une ville de grand abord. il y a un grand abord de pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. il y a un grand abord de joüeurs, de beau monde dans une telle maison. l’abord des marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les eschelles d’Orient.

Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à crain-


dre, on ne peut soûtenir leur premier abord. l’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau.

Abord, se dit aussi de l’accés qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & desagreable. ce parent fut receu à son abord avec grande joye.

D’abord, tout d’abord, de prime abord, sont des phrases adverbiales. Du commencement, de la premiere veüe. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. quoy que je n’eusse point vû cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. cette nouvelle me surprit tout d’abord, de prime abord.

ABORDABLE. adj. masc. & fem. Accessible, accostable. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE. s. m. Terme de marine, qui se dit lors que deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Faire l’abordage en belle, ou debout au corps, c’est à dire, l’esperon dans le flanc. L’abordage de franc étable est celuy qui se fait par le devant.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même party, soit lors qu’ils vont en flotte, soit lors qu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent les uns sur les autres.

ABORDER. v. act. & neut. Arriver en quelque lieu. La flotte des Indes est abordée en Espagne. il vient d’aborder un regiment en une telle ville. les marchands abordent de tous côtez à la foire de Beaucaire le 21. Juillet. on ne pouvoit aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemy de mettre pavillon bas, & d’aborder. On dit Aborder au port sur les rivieres ; mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, signifie encore, Attaquer l’ennemy hardiment, tant par mer, que par terre. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toûjours d’empêcher qu’on ne les aborde. ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour luy parler. Ce Ministre est si courtois, qu’on l’aborde facilement. il l’aborda avec ce compliment.

On dit aussi, qu’on n’oseroit aborder d’un tel lieu à cause des voleurs, des bêtes farouches qui s’y rencontrent. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder dans la basse-cour, on n’oseroit l’aborder.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lors que la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix clusée dans la haye ou le buisson.

Abordé, ée. part. & adj.

ABORTIF, ive. adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquerir la perfection, la maturité. Il ne se dit gueres que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un enfant en cette phrase de l’Ecriture, Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi fort souvent en Medecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

ABOUCHEMENT. s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conference. L’abouchement des grands Princes a été souvent nuisible à leurs États. on a plûtost terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de negociation par Lettres.


Abou