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ABU. ABU. ABY.

ABU.

ABUNA. subst. masc. Terme de Relations. C’est un nom de dignité que donnent les Abyssins à leur Patriarche, qui leur est envoyé par celuy d’Alexandrie.

ABUS. s. m. Dereglement, ce qui est fait contre la raison & le bon ordre. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’Estat, qui ont esté reformez par Louïs le Grand. les Conciles, les Ordonnances sont faites pour reformer les abus contre la Discipline & la Police. ce Ministre a reformé les abus des Finances ; ce President les abus de la Justice. Ce mot vient du Latin abusus.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus en la distribution des aumosnes.

Abus, signifie aussi, Erreur, tromperie. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus. les Mahometans vivent dans l’abus, suivent l’abus de leur faux Prophete. en Arithmetique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoist qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus, c’est un appel qu’on interjette des sentences des Juges Ecclesiastiques, quand ils entreprennent sur les Puissances seculieres, quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur jurisdiction, quand ils jugent contre les Saints Canons & la Discipline de l’Eglise. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. quand un Official juge du possessoire des dixmes infeodées, du possessoire des Benefices, il y a abus. on appelle comme d’abus, des unions des Benefices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles, excommunications, quand elles sont contre les loix de l’Eglise receües en France. L’Appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lors que Pierre de Cugnieres son Advocat General se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclesiastiques sur les personnes & la justice seculieres : mais il n’a été en vigueur que sous le regne de Louïs XII. Les Chanoines de Nostre Dame firent mettre au côté du Chœur un petit marmot, que par derision ils appellerent Pierre du Cognet, qui y est encore. Feuvret Advocat de Dijon a fait un fort beau volume de l’Appel comme d’abus.

ABUSER. v. act. Faire un mauvais usage de quelque chose. Il ne faut pas abuser des Sacremens, abuser de la bonté de Dieu. les Heretiques abusent de l’Ecriture, ils en corrompent le sens. il ne faut pas abuser de la patience des Juges, plaider trop long-temps, dire des choses inutiles. ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son authorité, quand il l’employe pour servir à ses interests particuliers.

Abuser, signifie aussi, Tromper, seduire. Les faux Prophetes, les Charlatans abusent les peuples, abusent de leur credulité. les meilleurs Arithmeticiens s’abusent quelquefois en leur calcul. nostre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent. j’ay pris cet Autheur pour un autre, je me suis abusé en le citant. il a abusé de ma facilité.

Abuser, signifie plus particulierement, Suborner une femme, une fille. Il faut être bien malhonneste homme pour abuser de la femme de son amy, pour abuser la fille de son hoste. il a abusé long-temps cette fille de l’esperance de l’espouser, & puis il en a pris une autre.

Abusé, ée, part. & adj.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui seduit, qui trompe. Mahomet a été un grand abuseur de peuples. il y a des galants qui font vanité d’être abuseurs de filles.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Une union de Benefice sans cause veritable & importante est abusive. un jugement


d’Official contre un laïque, & pour cause prophane, est abusif.

Abusivement. adv. D’une maniere abusive. La Cour en infirmant les sentences des Juges de l’Eglise, prononce, Mal, nullement, & abusivement jugé. il y a plusieurs mots de la Langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

Ces mots viennent du Latin abuti.


ABY

ABYSME. s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Il y a de profonds abysmes dans ces montagnes, dans ces rochers, dans ces mers, dans ces rivieres. cette ville est fonduë en abysme.

Selon quelques-uns, ce mot vient du Grec bathos, qui signifie la mer profonde : d’où est venu aussi le mot de bas, & abaisser. Mais il y a plus d’apparence qu’il vient d’abyssus Latin, ou du Grec abyssos, qui signifie la même chose.

Abysme, se dit figurément en Morale des choses où la connoissance humaine se perd quand elle raisonne. La Physique est un abysme, on ne peut penetrer dans les secrets de la Nature. les jugements de Dieu, les mysteres sont des abysmes, dont on ne peut sonder la profondeur.

Abysme, se dit absolument des enfers. La rebellion des Anges les fit precipiter dans l’abysme. qui pourra mesurer la profondeur de l’abysme ? On dit aussi, C’est un abysme de maux, de souffrances, de malheurs.

Abysme, se dit aussi de ces depenses excessives dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement regler la depense de la Marine, c’est un abysme. la depense de cette maison est excessive, c’est un abysme. On dit en proverbe, qu’un abysme attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

ABYSME. Terme de Blason. C’est le cœur, ou le milieu de l’Escu, ensorte que la piece qu’on y met ne touche & ne charge aucune autre piece telle qu’elle soit. Ainsi on dit d’un petit Escu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abysme. Et tout autant de fois qu’on commence à blasonner par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abysme, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pieces étant élevées, celle-là paroît petite, comme cachée, & abysmée. Il porte trois besans d’or avec une fleur de lys en abysme.

Abysme, est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur méche.

ABYSMER. v. act. Jetter dans un abysme, y tomber, se perdre, se noyer. Les Ouragans abysment les vaisseaux. ce terrain s’est abysmé, il y avoit dessous une carriere.

Abysmer, se dit figurément en Morale. Les gros interests ont abysmé ce marchand. ce chicaneur a abysmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu’au propre. Il est abysmé dans la douleur. cet homme a si mal fait ses affaires, qu’il s’est abysmé. cette famille est abysmée, elle ne se relevera jamais. c’est un contemplatif qui s’abysme dans ses pensées, qui extravague.

Abysmé, ée. part. Il y a eu plusieurs villes abysmées par les tremblemens de terre. un joüeur abysmé, est celuy qui a perdu tout son fonds.


B 2 ACA-