Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
souvenirs d’une actrice.

de l’assurance et résolus de ne pas me laisser intimider. Joseph Lebon était d’une taille moyenne et assez bien prise ; sa figure douée et agréable avait cependant quelque chose de sournois et de diabolique. Il régnait dans sa mise une sorte de coquetterie ; sa carmagnole était d’un beau drap gris et son linge d’une grande blancheur ; le col de sa chemise était ouvert, et il portait l’écharpe de député en sautoir ; ses mains étaient très soignées, et on disait qu’il mettait du rouge. Quel bizarre assemblage de férocité et d’envie de plaire !… On ne le connaissait pas encore pour ce qu’il s’est montré depuis ; ce n’est qu’à Abbeville et à Arras qu’il a commencé son horrible carrière de meurtre. Il commença la conversation par me faire des plaisanteries assez grossières sur le jeune officier qui m’avait amenée, puis se retournant brusquement vers moi, il me dit : en définitive, que me veux-tu ?

— Mais un passeport pour retourner à Paris.

— Rien que cela ? pas davantage ! tu n’es pas dégoûtée.

Mais étant étrangère au département, pour-