Page:Fusil - Souvenirs d’une actrice, Tome 2, 1841.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
326
souvenirs d’une actrice.

vert, son manteau de velours jeté négligemment sur une épaule, ses cheveux bouclés, sa toque de velours noire ornée d’une plume blanche, lui donnaient l’air d’un héros de mélodrame. Je ne l’avais jamais vu d’aussi près, et je ne pouvais me lasser de le regarder : lorsqu’il fut un peu en arrière de la voiture, je me retournai pour le voir de face. Il s’en aperçut et, me fit un gracieux salut de la main. Il était très coquet, et il aimait que les femmes prissent garde à lui.

Plusieurs officiers supérieurs tenaient aussi leurs chevaux en laisse, car on ne pouvait aller à cheval sur ce pont ; il était si fragile, qu’il tremblait sous les roues de ma voiture. Le temps qui s’était adouci, avait fait un peu fondre les glaces de la rivière, ce qui la rendait bien plus dangereuse. Lorsqu’on eut atteint le village, on s’y arrêta comme l’avait ordonné l’empereur, et tous les officiers retournèrent près de la Bérésina. Je pris le bras du général Lefebvre (fils du maréchal), pour aller voir ce qui se passait. Lorsque le pont se rompit, nous entendîmes un cri, un seul cri poussé par la multitude, un cri indéfinissable ! il retentit encore à mon oreille, toutes les fois que j’y pense. Tous les mal-