Page:Fustel de Coulanges - Histoire des institutions politiques de l'ancienne France 5 (1922).djvu/13

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sions, soit dans la génération qui est venue immédiatement après elles, soit même dans les cinq siècles qui ont suivi, vous ne trouverez pas une seule ligne où il soit dit que ces invasions aient détruit le régime romain et établi le régime féodal. Vous n’en trouverez pas une seule qui dise, soit sous forme expresse, soit par simple voie d’allusion, que le régime féodal soit le résultat d’une conquête. Pas une ligne enfin, depuis le ve siècle jusqu’au xie, qui indique que les villains fussent des Gaulois et que les seigneurs fussent des Germains.

Il faut donc chercher d’autres causes et ne pas se contenter de l’hypothèse commode.

C’est que la formation du régime féodal est un événement très complexe. Prétendre le faire découler d’une seule source et le rattacher à un fait unique, c’est se mettre dans le cas de se tromper inévitablement. Il a fallu pour le produire une longue suite de faits et la coïncidence des causes les plus diverses.

On s’est demandé s’il nous était venu de l’ancienne Rome ou de la Germanie, et les érudits se sont partagés en deux camps, celui des romanistes et celui des germanistes. La vérité n’est dans aucune de ces opinions étroites. Vous trouvez le régime féodal chez des populations qui n’ont rien de germanique, et vous le trouvez aussi chez des populations qui n’ont rien de romain. Il a existé également dans la Gaule méridionale où le sang gallo-romain dominait, dans la Gaule septentrionale où les deux races étaient mèlées, dans la Bavière et dans la Saxe où la population était purement germaine. Il a existé chez les Slaves et les Hongrois. Des documents irlandais montrent qu’il s’est formé en Irlande spontanément, sans nulle conquête, en dehors de toute influence ou romaine ou germanique[1]. On le rencontre chez beaucoup d’autres peu-

  1. Voir Sumner Maine, Histoire des Institutions primitives, trad. Durieu de Leyritz, 1880, chap. v, vi, x surtout, p 492–195, 196–199, 207–208 de la (traduction. – M. Rambaud dans son étude sur l’Empire grec, 1870, a montré qu’il existait là un régime féodal au xe siècle.