Page:Fustel de Coulanges - Histoire des institutions politiques de l'ancienne France 5 (1922).djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mâle. Et il conclut: « Tout cela se rapproche beaucoup de la nature des fiefs[1]. »

Cette même opinion a été reprise au siècle suivant par l’abbé Dubos. Les empereurs romains, écrit-il, partageaient les terres entre les soldats sur les frontières, « à condition que l’État demeurerait toujours le véritable propriétaire de ces fonds-là », et ces terres ne passaient « aux héritiers du gratifié » que si ceux-ci portaient les armes. « On regarde communément » cette distribution des terres sous ces conditions « comme la première origine des possessions si connues dans l’histoire sous le nom de fiefs[2]. » L’auteur cite à l’appui de sa théorie les mêmes textes qu’avait déjà indiqués Godefroi; mais il y ajoute un passage de saint Augustin ainsi conçu: « Il est bien connu que les soldats du siècle, lorsqu’ils veulent recevoir de leurs seigneurs temporels un bénéfice temporel, commencent par se lier envers eux par un serment et s’engagent à conserver la foi envers leurs seigneurs[3]. » Voilà donc, dans une phrase de saint Augustin, la mention de « seigneurs », de « bénéfices », de « serment », et de « fidélité ». Il semble que tout le contrat féodal soit contenu dans cette phrase[4].

  1. Godefroi, édit. Ritter, t. II, p. 400: Quæ pleraque ad feudorum naturam proxime accedunt. – Déjà Casaunon, dans ses notes sur Vopiscus, 1603, avait dit: Hanc esse quandam speciem feudi, vel potius initia quædam ejus juris quod feudorum appellatione est designatum.
  2. Dubos, Établissement de la monarchie française, 2e édit., 1742, t. I, p. 82. – Plus loin, t. II. p. 548, il revient sur le même sujet, et par une confusion à peine croyable il assimile ces « bénéfices militaires » des empereurs romains aux « terres saliques » de l’époque mérovingienne.
  3. Saint Augustin, Sermo in vigilia Pentecostes: Notum est quod milites sæculi beneficia temporalia a temporalibus dominis accepturi prius militaribus sacramentis obligantur, et dominis suis fidem se servaturos profitentur.
  4. Cf. encore l’abbé Garnier, Traité de l’origine du gouvernement français, 1765. p. 104. [Il prononce nettement le mot de « bénéfices mili-