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LIVRE II. LA FAMILLE.

a découlé des croyances religieuses qui étaient universellement admises dans l’âge primitif de ces peuples et qui exerçaient l’empire sur les intelligences et sur les volontés.

Une famille se compose d’un père, d’une mère, d’enfants, d’esclaves. Ce groupe, si petit qu’il soit, doit avoir sa discipline. À qui donc appartiendra l’autorité première ? Au père ? Non. Il y a dans chaque maison quelque chose qui est au-dessus du père lui-même ; c’est la religion domestique, c’est ce dieu que les Grecs appellent le foyer-maître, ἑστία δέσποινα, que les Latins nomment Lar familiaris. Cette divinité intérieure, ou, ce qui revient au même, la croyance qui est dans l’âme humaine, voilà l’autorité la moins discutable. C’est elle qui va fixer les rangs dans la famille.

Le père est le premier près du foyer ; il l’allume et l’entretient ; il en est le pontife. Dans tous les actes religieux il remplit la plus haute fonction ; il égorge la victime ; sa bouche prononce la formule de prière qui doit attirer sur lui et les siens la protection des dieux. La famille et le culte se perpétuent par lui ; il représente à lui seul toute la série des ancêtres et de lui doit sortir toute la série des descendants. Sur lui repose le culte domestique ; il peut presque dire comme le Hindou : c’est moi qui suis le dieu. Quand la mort viendra, il sera un être divin que les descendants invoqueront.

La religion ne place pas la femme à un rang aussi élevé. La femme, à la vérité, prend part aux actes religieux, mais elle n’est pas la maîtresse du foyer. Elle ne tient pas sa religion de la naissance ; elle y a été seulement initiée par le mariage ; elle a appris de son mari la prière qu’elle prononce. Elle ne représente pas les ancêtres puisqu’elle ne descend pas d’eux. Elle ne de-