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LIVRE II. LA FAMILLE.

Tite-Live raconte que le Sénat voulant extirper de Rome les Bacchanales, décréta la peine de mort contre ceux qui y avaient pris part. Le décret fut aisément exécuté à l’égard des citoyens. Mais à l’égard des femmes, qui n’étaient pas les moins coupables, une difficulté grave se présentait ; les femmes n’étaient pas justiciables de l’État ; la famille seule avait le droit de les juger. Le Sénat respecta ce vieux principe et laissa aux maris et aux pères la charge de prononcer contre les femmes la sentence de mort.

Ce droit de justice que le chef de famille exerçait dans sa maison, était complet et sans appel. Il pouvait condamner à mort, comme faisait le magistrat dans la cité ; aucune autorité n’avait le droit de modifier ses arrêts. « Le mari, dit Caton l’ancien, est juge de sa femme ; son pouvoir n’a pas de limite ; il peut ce qu’il veut. Si elle a commis quelque faute, il la punit ; si elle a bu du vin, il la condamne ; si elle a eu commerce avec un autre homme, il la tue. » Le droit était le même à l’égard des enfants. Valère-Maxime cite un certain Atilius qui tua sa fille coupable d’impudicité, et tout le monde connaît ce père qui mit à mort son fils, complice de Catilina.

Les faits de cette nature sont nombreux dans l’histoire romaine. Ce serait s’en faire une idée fausse que de croire que le père eût le droit absolu de tuer sa femme et ses enfants. Il était leur juge. S’il les frappait de mort, ce n’était qu’en vertu de son droit de justice. Comme le père de famille était seul soumis au jugement de la cité, la femme et le fils ne pouvaient trouver d’autre juge que lui. Il était dans l’intérieur de sa famille l’unique magistrat.

Il faut d’ailleurs remarquer que l’autorité paternelle