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CH. X. LA GENS À ROME ET EN GRÈCE.

Si un membre de la gens n’avait pas le droit d’en appeler un autre devant la justice de la cité, c’est qu’il y avait une justice dans la gens elle-même. Chacune avait en effet son chef, qui était à la fois son juge, son prêtre, et son commandant militaire[1]. On sait que lorsque la famille sabine des Claudius vint s’établir à Rome, les trois mille personnes qui la composaient, obéissaient à un chef unique. Plus tard, quand les Fabius se chargent seuls de la guerre contre les Véiens, nous voyons que cette gens a un chef qui parle en son nom devant le Sénat et qui la conduit à l’ennemi[2].

En Grèce aussi, chaque gens avait son chef ; les inscriptions en font foi, et elles nous montrent que ce chef portait assez généralement le titre d’archonte[3]. Enfin à Rome comme en Grèce, la gens avait ses assemblées ; elle portait des décrets, auxquels ses membres devaient obéir, et que la cité elle-même respectait[4].

Tel est l’ensemble d’usages et de lois que nous trouvons encore en vigueur aux époques où la gens était déjà affaiblie et presque dénaturée. Ce sont là les restes de cette antique institution.

2o Examen de quelques opinions qui ont été émises pour expliquer la gens romaine.

Sur cet objet, qui est livré depuis longtemps aux disputes des érudits, plusieurs systèmes ont été proposés. Les uns disent : la gens n’est pas autre chose qu’une similitude de nom[5]. D’autres : Le mot gens désigne une

  1. Denys d’Hal., II, 7.
  2. Id., IX, 5.
  3. Bœckh, Corp. inscr., 397, 399. Ross, demi Attici, p. 24.
  4. Tite-Live, VI, 20. Suétone, Tib., 1. Ross, demi Attici, 24.
  5. Deux passages de Cicéron, Tuscul., I, 16, et Topiques, 6, ont singulièrement embrouillé la question. Il faut bien reconnaître que Cicéron, comme