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LIVRE II. LA FAMILLE.

année près du lieu sacré où il repose, lui offrent le repas funèbre. Ce foyer toujours allumé, ce tombeau toujours honoré d’un culte, voilà le centre autour duquel toutes les générations viennent vivre et par lequel toutes les branches de la famille, quelque nombreuses qu’elles puissent être, restent groupées en un seul faisceau. Que dit encore le droit privé de ces vieux âges ? En observant ce qu’était l’autorité dans la famille ancienne, nous avons vu que les fils ne se séparaient pas du père ; en étudiant les règles de la transmission du patrimoine, nous avons constaté que, grâce au droit d’aînesse, les frères cadets ne se séparaient pas du frère aîné. Foyer, tombeau, patrimoine, tout cela à l’origine était indivisible. La famille l’était par conséquent. Le temps ne la démembrait pas. Cette famille indivisible, qui se développait à travers les âges, perpétuant de siècle en siècle son culte et son nom, c’était véritablement la gens antique. La gens était la famille, mais la famille ayant conservé l’unité que sa religion lui commandait, et ayant atteint tout le développement que l’ancien droit privé lui permettait d’atteindre.

Cette vérité admise, tout ce que les écrivains anciens nous disent de la gens, devient clair. Cette étroite solidarité que nous remarquions tout à l’heure entre ses membres n’a plus rien de surprenant ; ils sont parents par la naissance. Ce culte qu’ils pratiquent en commun n’est pas une fiction ; il leur vient de leurs ancêtres. Comme ils sont une même famille, ils ont une sépulture commune. Pour la même raison, la loi des Douze-Tables les déclare aptes à hériter les uns des autres. Pour la même raison encore, ils portent un même nom. Comme ils avaient tous, à l’origine, un même patrimoine indi-